Daniel & Jean-Claude Besse

Natation Vélo Course

3e overall en 2h35’48 pour un premier marathon

Prendre la 3e place aux championnats suisses de marathon en finissant en moins de 2h36… et tout a avec une préparation non-conventionnelle. On me l’aurait dit que je n’y aurais probablement pas cru ; mais comment en sommes-nous arrivés là ?

Un marathon ? Mais quelle idée

Pour cela, retour en arrière de 7 à 8 semaines. En fin de saison, je lance l’idée à Jean-Claude, mi-rigolant, mais mi-rigolant seulement, de faire un marathon en fin de saison pour « voir ce que ça représente » avant d’avoir à le faire en fin d’ironman l’été prochain. Avec le dernier triathlon à faire encore à Morat pour clôturer la saison, la conversation en reste là. Et elle restera par ailleurs encore à un statut quo pendant les semaines suivantes où l’on repousse la décision sous l’excuse qu’il nous faut du repos pour sentir la forme et voir ce que l’on veut faire. Nous sommes alors en période de décharge pour reposer les corps mis à rudes épreuves l’été durant ; mais si l’on a complétement arrêté de nager ou rouler, on continue d’accompagner les Ruben et Sam sur les longues séries sur stades les mardis soirs avec le TV Oerlikon. On se le cache encore à ce moment-là mais il fait peu de doutes que le marathon va se faire et aura lieu à Lucerne où vont plusieurs de notre club d’adoption ici à Zurich.

Une semaine, puis deux semaines passent ainsi. Jean-Claude force alors la décision au dernier jour de septembre alors même que je me plains d’une petite douleur au genou (essuie-glace) et suis hésitant. Si on n’est pas toujours en phase avec les sensations, on aime quand même bien faire les choses ensemble et c’est certainement quelque chose qui nous aide aussi. Bref, nous voilà tous deux inscrits et à faire même des jaloux deux jours après en courant le long de la Mèbre avec Matthieu et David. 17km d’un footing qui en avait paru plus et qui m’a donné envie de nager à l’initiation de swimrun du Rushteam l’après-midi à la Vallée de Joux mais plus de courir. Quoi le marathon ce sera plus long ?

Que peut-on bien vouloir viser?

Avec le TV Oerlikon, les séries s’enchainent sans soucis sur la piste. Ruben donne le rythme très régulier ; Jean-Claude et moi sommes parfois sages, parfois jeunes d’esprit (comprenez un peu moins sages), mais essayons de rester le plus possible dans la première catégorie. Le suivre semble d’abord irréaliste, lui qui annonce un objectif en 2h38, perdant à ses dires quelques minutes sur un parcours pas si facile que cela. Exercices de calcul mental : pour un ironman sous les 9h, il faudrait un marathon en 3h-3h10, prenons un peu de marge parce que c’est plus facile de partir frais, donc il faudrait un sub-4:00/km pour faire 2h48 et un ~3:45/km pour un 2h40. Ouais, bref, j’ai aucune idée de ce que ça va donner : 2h40 ce serait top, 2h45 ou sous les 4:00/km déjà pas mal et sinon il y aura toujours l’expérience de gagnée. On est pas plus renseignés.

Le vendredi 7 octobre a lieu le traditionnel Bahn Challenge du TV Oerlikon. 4x250m, 3x500m, 2x750m, et 1x1000m, dans un ordre aléatoire et connu uniquement par le chef de la cloche qui sonne le glas un demi-tour (ou 125m sur la petite piste utilisée pour l’occasion) avant l’arrivée. Des points sont donnés ensuite par ordre d’arrivée et une nouvelle course est lancée 5’ après l’arrivée de la précédente. Concept intéressant, qui demande beaucoup au niveau du souffle si l’on veut jouer toutes les courses à fond (alors que d’autres tente le pocker en s’économisant parfois pour pouvoir essayer de gagner les suivantes). Au final, je remarque que j’ai beaucoup de peine à partir en sprint notamment comparé à Jean-Claude qui a lui réussi à remporter le général de l’épreuve et deux courses individuelles. Bon, c’est bien beau tout ça mais ne nous faisons pas avoir, c’est de l’endurance qu’il nous faut pour un marathon. Ni une ni deux, départ le lendemain matin pour un tour de l’aéroport de Kloten ; 30km, soit notre plus long footing jamais fait (mais pas pour longtemps comme je m’amuse à le mentionner sur strava). Jean-Claude part comme une fleur tandis que je me plains un peu. Ensuite c’est moi qui reprends le dessus en lui racontant les histoires des marches de l’école de recrue. Puis finalement c’est à nouveau à moi de serrer les dents avec le genou qui s’est malheureusement réveillé sur la fin.

Essayer le tapering

Zut, zut et encore zut. Cette fois ça ne passe pas si vite que la première. Me suis probablement fait avoir à croire que j’avais réduit les demandes sur mes articulation en diminuant le volume, mais voilà que je ne l’ai fait qu’en natation et vélo mais pas en course où le risque de blessures reste malgré tout le plus élevé. Pas beaucoup d’autre choix que de ne pas courir pendant 5 jours. A 3 semaines du marathon et avec l’impression d’avoir déjà une préparation légère… faudra faire avec. Retour donc le vendredi suivant à l’entraînement pour 2x5km. Frais, reposé, Jean-Claude se plaindra que ce soit une des fois où j’ai été le moins sage, mais moi j’ai retrouvé le sourire (et la glace, le compex et le rouleau de massage pour être sûr de ne pas retomber trop vite évidemment). Au moins ça rassure que frais comme on le sera au départ du marathon, les sensations peuvent être bonne. Deuxième (et dernier) long entraînement le dimanche qui suit avec un 25km dont 20’ sur la fin en moins de 3:40/km. Le genou a tenu plus ou moins bien. De toute façon maintenant la tête est convaincue qu’un marathon ne peut pas être plus dur qu’un semi-ironman : 21km où les sensations doivent être easy mais qui génèrent de la pré-fatigue suivis de 21km de course à un rythme désagréable mais pas effréné. Parfait, on a même un plan de course !

Se tenir au plan…

C’est l’ordre du coach Ruben. Rien ne sert de partir plus vite que lui (et de toute façon son entraînement de 36km en 3:55/km de moyenne m’a un peu refroidi). Le rythme il suffit de le tenir comme on l’a fait le mardi (4x3km) et vendredi (2x15’) de la semaine précédant la course, ainsi que le mardi 5 jours avant (2x3km) et tout ira bien. Bon il y a quelques détails de nourriture à régler : 1) il est fan du régime dissocié pour le carbo-loading mais il nous faut l’aval de Cendrine au cyclisme sur piste la semaine d’avant pour essayer une version modérée de celui-ci ; 2) comment prendre les gels pendant la course ? Et que prendre exactement ?

Mais si la course ne tient plus qu’à ça, ça veut dire que les jambes sont prêtes et les potentielles surprises n’ont pas réussi à faire gagner l’angoisse.

20km easy

Peloton TV Oerlikon au premier tour du marathonJean-Claude, Ruben et moi groupés au premier tour du marathon.

Le plan commence donc par 20km easy. Presque pas d’échauffement du coup si ce n’est revenir du vestiaire en trottant jusqu’à la ligne de départ pour retrouver Ruben et ceux du semi qui partent en même temps. Ensuite commence la partie d’attente et d’économie. Malgré les sensations de souplesse, le premier kilomètre est passé en 3’35, soit déjà 5-10s plus rapide que prévu. Mais rester caché dans les pieds de Ruben est un art que je finis par maîtriser, et c’est si facile de suivre ce rythme que ni moi ni Jean-Claude ne bougeons d’une oreille. Les kilomètres défilent et les ravitaillements aussi. Prendre à boire à chacun d’entre eux est presque un effort que je vois alors superflu, le faisant uniquement en pensant au deuxième tour. 5km, puis 10km, le rythme est donné maintenant et nous nous permettons dorénavant de passer parfois devant donner quelques relais. Quand arrive le ravitaillement, Jean-Claude remarque que je suis coincé pour prendre un verre et m’en tend un en en prenant un deuxième. En lui disant merci, je lui fais la remarque que l’on est passé en 36’ au 10km sans le voir passer. Je remarque n’avoir si bien dit qu’en le voyant jeter un coup d’œil étonné à la montre, il avait raté le panneau. Juste plus loin c’est Ruben qui me dit quelque chose à propos du groupe de devant, un type aurait couru en 2h30 déjà et la médaille suisse s’y jouerait probablement. Je me contente d’un « Ja ? Ja ! », partiellement parce que je n’ai pas tout vraiment compris, partiellement parce que ça m’étonne un peu qu’on ne les rejoigne (et je suis pas là pour la médaille), et surtout parce que je n’ai pas vraiment envie de causer.

Du kilomètre 14 au kilomètre 20, c’est Jean-Claude qui prend les devants. Le rythme est constant et régulier. Les sensations ne sont plus autant à la ballade qu’avant mais ça va malgré tout très bien. La petite pâte de fruit du kilomètre 13 est bien passée et les panneaux continuent de défiler plus vite que je ne regarde la montre.

Élan d’orgueil

Daniel au 2e tour
Parti seul sur le deuxième tour. Jean-Claude n'est pas loin derrière.

Au retour sur cette grande route en ligne droite, c’est alors à mon tour de prendre les devants. Si ne pas ralentir est mon idée à ce moment-là, je remarque bien vite que niveau effort, j’ai forcé un peu là où nos compagnons ne faisaient que de sentir l’avoine pour leur fin de semi-marathon. Ruben a laissé quelques dizaines de mètres d’écart au demi-tour et seul Jean-Claude et moi faisons le virage ensembles. Zou, d’un coup tous loin vers l’arrivée et le speaker qui nous annonce 4e et 5e du marathon, l’homme juste devant nous est en effet un duo et passe le relai à sa compatriote pour le deuxième tour. Olé, je ne pensais certainement pas être aussi bien devant. Je continue l’effort, avale un demi gel Winforce au prochain ravitaillement et pars sur ma lancée. Premier tour en 1h16’20 et j’ai encore des forces, que demande le peuple ?

Peut-être un peu de modestie par fois. Si les kilomètres 20 à 28 se sont bien enchaînés comme les précédents, je commence à sentir la fatigue. La petite partie vallonnée n’est alors pas là pour aider même si elle ne me semble pas être à mon désavantage. J’ai souvent Philippe Arnold en point de mire (aussi dans notre équipe du TV Oerlikon pour le classement par club) mais revenir sur lui demande beaucoup d’efforts et de patience. 30e kilomètre, ouch c’est dur ; pas de gros mur mais la foulée n’est plus aussi aérienne. Go ! Go ! dritte Platz grad vorne ! entends-je de toutes parts, parfois suivi de ziehe Mal, parce que tu crois que je fais quoi ? Allez on dépasse de plus en plus de monde à qui on a déjà pris un tour (sur marathon a fait réfléchir quand même). Un dernier gel pour la route au 36e et regarder les mètres de retard sur Philippe gentiment diminuer. Il me faudra tout de même jusqu’au 39e pour revenir à sa hauteur. Un petit mot d’encouragement en passant, reçu en retour de sa part également et ne plus regarder que devant ensuite. Sur la grande route, c’est désormais une foule que l’on dédouble et le vélo qui précédait Philippe comme 3e overall préfère même se retirer ne sachant plus où passer. Le speaker m’annonce arriver, avant Philippe et Jean-Claude, tous Suisses, tous du TV Oerlikon, ah qu’il semble apprécier. Pour moi ça veut surtout dire qu’ils ne sont pas loin. Plus que deux kilomètres, allez j’ai encore quelque chose à donner. La montre me dira par la suite que j’ai réussi à refaire passer la moyenne en 3:35/km sur les deux derniers kilomètres (alors qu’elle était montée vers 3:50-3:55/km au plus lent). Heureusement la ligne est là, parce que mes jambes ne me tiennent plus.

Wow, ouch, youpie... ou tout d’un coup

Podium marathon Lucerne
Podium overall (et des championnats suisses)

Avec Jean-Claude nous sommes les deux seuls assis, voire couchés, après l’arrivée à enlever les chaussures pour admirer nos nouvelles cloques et trembler sans savoir comment se tenir. Pendant ce temps, le premier homme et la première femme donnent les interviews comme de vrais pros. Nous nous contentons de notre côté de ramasser une gourde des mains de Viktor Röthlin et regagner avec grand peine le chaud de l’intérieur. Les conditions ont été optimales pour une course qui s’est bien déroulée de bout en bout. Mais maintenant les muscles des jambes souffrent, il fait froid, et le genou se réveille dès l’effort arrêté. Même le training que nous sommes allés récupérer dehors n’aide pas. Je ne sais pas combien de temps s’est passé où nous sommes restés là assis à trembler contre le mur intérieur de la Verkehrshaus, mais nos collègues ont eu le temps d’aller au vestiaire et revenir que nous nous levons à peine pour les podiums, « les lèvres bleues » aux dires des supporters qui nous demandent à plusieurs fois s’ils peuvent nous aider. Merci, le temps fera l’affaire dois-je même répondre à une dame qui s’inquiète pour moi. Faire un marathon c’est dur car c’est être proche de ses limites pendant une longue durée m’avait-on prévenu. Et bien là les jambes étaient à leurs limites (pire qu’au premier semi à Troyes ? pas sûr non plus…). Mais pour 2h35’48, une 3e place overall (et 3e des championnats suisses) et une victoire par club, ça valait entièrement la peine ! Tout ça réussi grâce à la bonne préparation avec toute la saison de triathlon et à mon avis également grâce à toute l'inertie de groupe du TV Oerlikon avec un niveau très dense autours de nos temps de course. 



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